Le « canal historique » de l'IT est sommé de changer de modèle économique

« Ces 30 dernières années n'ont pas été de tout repos pour les entrepreneurs de l'IT. Il est paradoxal que l'on se demande encore aujourd'hui s'ils sont capables de changer de modèle économique ! », estime Patrick Dohin qui fut en son temps dirigeant de Computerland.

« Ces 30 dernières années n'ont pas été de tout repos pour les entrepreneurs de l'IT. Il est paradoxal que l'on se demande encore aujourd'hui s'ils sont capables de changer de modèle économique ! », estime Patrick Dohin qui fut en son temps dirigeant de Computerland.

Ils représentent plus du tiers des entreprises du secteur IT, se sont lancés entre 1980 et 2000 et forment ce que l'on surnomme le « canal historique ». L'industrie informatique voudrait voir ces entrepreneurs de plus de 55 ans évoluer vers le cloud computing plus rapidement, mais les résistances sont fortes.

Les entreprises françaises de l'IT sont-elles incapables de changer de modèle économique ? La question a le don d'agacer Patrick Dohin, aujourd'hui Directeur du Réseau Entreprendre dans les Yvelines. A plus de 60 ans, celui est en effet un « archétype » de la distribution IT : il débute sa carrière comme commercial chez Xerox en 1975 (pour les premiers micro-ordinateurs de la marque) puis fonde 10 ans plus tard la SSDI Computerland France qu'il dirige pendant 25 ans. Après avoir lâché les rênes de l'entreprise en 2009, il se lance dans l'e-commerce en 2010 avec Espace Dégustations Privées (l'entreprise a fermé ses portes fin 2012). Il finit par revendre Computerland il y a deux ans puis intègre le Réseau Entreprendre pour conseiller et accompagner de jeunes entrepreneurs. « Au départ, en 1984, le modèle économique de Computerland était simple : un PC coûtait environ 30 000 francs (NDLR : l'équivalent de 4 500 €) et la marge était en moyenne de 35% », rappelle Patrick Dohin. Pour mémoire, Computerland était alors le leader mondial de la distribution informatique avec plus de 800 points de vente dans le monde.

A la lecture des articles parus dans la presse à l'époque, il apparaît que l'entreprise a dû faire évoluer son modèle économique très rapidement, dès la fin des années 80, avec l'apparition des réseaux locaux : « En résumé, il a fallu remplacer les techniciens en micro-informatique par des ingénieurs réseaux, ce qui coûtait bien plus cher.» Ensuite, dès le début des années 1990, les constructeurs ont imposé une baisse des marges extrêmement forte, puisqu'elle est passée en moyenne de 35% à 15%. « Nous avons pu la supporter en développant des services, comme la location évolutive et la gestion de parc, mais cette baisse des marges a été fatale à de nombreux distributeurs.» Troisième changement majeur : la baisse continue du prix des matériels à partir de 1995, qui sont passés de plusieurs milliers d'euros à plusieurs centaines en quelques années. « Cumulées, les baisses des prix et des marges nous amenaient au début des années 2000 à ne gagner que quelques dizaines d'euros sur une vente. Une des conséquences directes de cette forte baisse des prix fut que les forces commerciales et techniques devenaient beaucoup trop chères. On a alors vu les plateaux de télévente se multiplier chez tous les acteurs, notamment chez les grossistes. » De fait, parmi les évolutions majeures du modèle économique des acteurs de l'IT, il faut en effet citer la montée en puissance des grossistes à partir de 1995, mais aussi l'accélération des évolutions technologiques et commerciales, avec l'apparition des messageries, la convergence entre l'informatique et les télécoms, l'e-commerce, la virtualisation, le SaaS, le cloud computing, etc. « Ces 30 dernières années n'ont pas été de tout repos pour les entrepreneurs de l'IT. Il est paradoxal que l'on se demande encore aujourd'hui s'ils sont capables de changer de modèle économique ! », conclut Patrick Dohin.

Changement de propriétaire

Le parcours de Computerland est symptomatique du changement de modèle économique provoqué par la progression du cloud. En mai 2012, l'entreprise est rachetée par RCB, entreprise de distribution dirigée par Yann Rolland et créée en 1986. Aujourd'hui, la société est de nouveau rentable. En l'occurrence, Yann Rolland est également l'un des dirigeants de Résadia, qui mise fortement sur le cloud computing. « Computerland fête cette année son 30ème anniversaire et veut être un élément moteur dans la progression vers le cloud computing, explique Yann Rolland. Certes, c'est une évolution forte qui implique un changement de modèle économique mais tout cela ne se passe pas du jour au lendemain : le cloud computing représente aujourd'hui 15% de notre chiffre d'affaires et le cap des 50% ne sera sans doute franchi qu'en 2020. Peut-être un peu avant si la progression reste aussi forte qu'actuellement. »

Concrètement, qu'est-ce qui change dans le modèle économique du cloud ? L'évolution fondamentale est que le chiffre d'affaires n'est plus généré par du négoce mais par du commissionnement. Loïc Simon (qui a notamment travaillé chez IBM et Aspaway) a participé en 2007 à la création du Club Alliance : « A l' origine, le but était d'aider les éditeurs de logiciels à passer d'un modèle à l'autre, indique-t-il. Depuis, nous avons organisé 11 Forums Alliance et élargi le spectre des entreprises concernées aux prestataires de services IT. Ce qui est clair aujourd'hui, c'est que les uns comme les autres tendent à devenir avec le cloud des courtiers, alors que leur comptabilité était jusqu'à présent comparable à celle d'un commerçant. »

La valeur est dans la donnée

Selon Loïc Simon, les changements de modèles économiques sont dictés par une évolution plus importante encore : « Ce ne sont plus les logiciels qui ont de la valeur, mais les données qu'ils permettent de produire, explique Loïc Simon. Le véritable enjeu n'est plus de vendre des applications, mais des abonnements à des business services. »
En résumé, le « canal historique » de l'IT est sommé de passer de la vente de prestations de services à du courtage. Les problèmes que cela peut poser à la jeune filière IT pourraient faire sourire les professionnels de l'assurance, qui ont vécu cela voilà bien des décennies plus tôt...

Alors : prestations de service ou édition de logiciels ? Dans le 3èmevolet de ce dossier, nous découvrirons le choix des « nouveaux entrants ».   

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