L'administration fiscale dopera-t-elle le marché des logiciels de gestion ?

Si la nouvelle directive de la Direction générale des impôts relative au contrôle des comptabilités informatisées ne devrait guère avoir d'impact sur les ventes de licences des éditeurs de gestion, elle ouvre toutefois des opportunités aux revendeurs.

Pour une entreprise, subir un contrôle fiscal n'est pas une partie de plaisir. Encore moins quand elle n'y est pas préparée. En moyenne, les entreprises françaises en subissent un tous les cinq ans. D'une durée moyenne d'un mois, un contrôle fiscal se solde dans 80 à 90 % des cas par un redressement, la complexité du système fiscal français y étant pour beaucoup. Depuis le 24 janvier dernier, il est d'autant plus nécessaire de s'y préparer qu'une directive de la Direction générale des impôts, la 13L106 n°12, relative au contrôle des comptabilités informatisées, fait désormais obligation aux entreprises de respecter de nouvelles règles en la matière (voir encadré ci-dessous). Lesquelles entraînent une adaptation des logiciels concernés. Un label NF spécifique a d'ailleurs été défini à cette occasion, permettant aux éditeurs qui le souhaitent de certifier la conformité de leurs applications à la nouvelle norme (voir encadré page ci-contre). Mais si la directive s'applique en théorie d'ores et déjà, le fisc devrait laisser quelques mois aux éditeurs et aux clients pour s'adapter. « L'administration fiscale ne sévira pas trop lourdement sur ce point avant la deuxième moitié de l'année », estime Étienne Astruc, directeur marketing d'EBP. Question : les éditeurs seront-ils prêts à l'échéance ? La réponse varie selon les acteurs et les segments de marché. En ce qui concerne celui des logiciels de gestion d'entreprise (produits de milieu et haut de gamme), la réponse pourrait être positive dans la mesure où la plupart des éditeurs disent avoir déjà fait le nécessaire pour adapter leurs applications aux nouvelles dispositions. Ces derniers ont en effet préparé la transition en toute transparence pour leurs clients. Du coup, les éditeurs ne pensent pas que le nouveau texte soit susceptible de leur permettre de « débaucher » les clients de leurs concurrents. En effet, les utilisateurs de progiciels de gestion intégrés sont généralement couverts par des contrats de support et de maintenance leur permettant de disposer gratuitement et automatiquement de versions à jour au regard des textes règlementaires. « De plus, les utilisateurs ne se sentent pas concernés par ce texte relatif aux contrôles fiscaux », comme le souligne Isabelle Ricouard, chef de marché midmarket chez Sage. Résultat : aucune aubaine à attendre de ce côté-là que ce soit en termes de ventes ou de mises à jour. L'hibernation des mises à jour En revanche, du côté des outils de gestion modulaires (produits d'entrée et de milieu de gamme), la situation est plus contrastée. En effet, le taux de contrats de support varie sensiblement selon les types de produits, les états comptables et fiscaux affichant les taux d'adhésion les plus élevés de la part des utilisateurs (proches de 100 %), suivis de près par la paye (de l'ordre de 70 à 80 % selon les éditeurs). En revanche, les utilisateurs de produits comme la gestion commerciale ou la comptabilité se sentent beaucoup moins concernés par d'éventuels contrats de support et, de ce fait, ne bénéficient pas automatiquement de mises à jour, qu'ils devront donc acheter. Or, selon Aline Warcollier, chef de marché Évolution, point de vente et logiciels pour l'enseignement chez Ciel, les utilisateurs observent des cycles de quatre à cinq ans avant de mettre à jour leur logiciel de comptabilité. Or la dernière mise à jour massive a concerné le passage à l'euro... voilà quatre ans. L'entrée en vigueur de la directive 13L106 n°12 intervient donc exactement au moment où les éditeurs attendaient de toute façon une poussée des ventes de leurs logiciels. Comble de malchance, la directive a été publiée en janvier, soit bien trop tard pour que deux d'entre eux, Ciel et EBP, ne puisse l'intégrer dans l'édition 2006 de leurs logiciels. Même les Lignes 30 et 100 de Sage ne répondent pas encore à l'ensemble des critères définis par la Direction générale des impôts, alors que sa Ligne 1000 est déjà à jour. Il leur faudra donc attendre la rentrée 2007 pour pouvoir mettre en avant cet argument sur leurs produits. « Apisoft, qui n'est pas présent en grande distribution, n'a pas rencontré ce problème », observe Étienne Astruc d'EBP. Effectivement, l'éditeur bordelais, qui a lancé sa dernière gamme en novembre 2005, a disposé de davantage de temps pour se préparer. Et il ne se prive pas de le dire. Jérôme Libes, Dg d'Apisoft, a ainsi d'ores et déjà effectué un tour de France lors duquel il s'est employé à informer ses revendeurs et clients. « Cet effort pédagogique est indispensable étant donné les nouvelles contraintes d'utilisation des produits, qu'il faut expliquer », souligne-t-il. Dans le cadre de ce tour de France, Apisoft a fourni à ses partenaires agréés (cent vingt sur un réseau de mille cinq cents revendeurs) un pack d'accompagnement marketing reprenant les différents conseils et arguments. Une démarche qui porte ses fruits. « Nos revendeurs les plus réactifs sur le sujet ont déjà réalisé quelques beaux coups, avec, par exemple, des progressions de l'ordre de + 300 % sur certains parcs, rien qu'en mises à jour avec notre version 2006, conforme avec l'instruction », observe Jérôme Libes. Les principaux concurrents d'Apisoft sont bien conscients de cet état de fait et fourbissent leurs armes, à l'instar d'EBP, qui prévoit ses premières animations de terrain sur le sujet dans les prochaines semaines. Vers une concentration du marché ? Mais les principales communications sur cette mise à jour ne devraient pas intervenir avant septembre prochain, au moment de la sortie des éditions 2007 de leurs produits respectifs. En revanche, tous les éditeurs s'accordent sur le fait que les éventuelles opportunités de prise de marché ne se feront pas vis-à-vis de leurs principaux concurrents qui sont ou seront prêts quasiment en même temps, mais plutôt sur les éditeurs de produits marginaux ou sur mesure. Ceux-ci représentent 40 % du parc installé à ce jour (contre 15-20 % pour les principaux éditeurs de PGI et 40 % pour ceux de comptabilités modulaires). Ce texte implique des coûts d'intégration importants pour les éditeurs et un temps de préparation de la mise à niveau relativement élevé. « À moins d'avoir intégré le groupe de travail qui a élaboré le texte afin de pouvoir se préparer en amont, les petits éditeurs, au mieux, arriveront très en retard ou, au pire, ne pourront jamais intégrer à leurs produits l'ensemble des dispositions prévues par ce texte », assure Jérôme Libes. Cette directive pourrait donc engendrer à terme une nouvelle concentration du marché au détriment des éditeurs de produits qui ne seront pas rapidement conformes à la loi. Pour les revendeurs, l'enjeu se situe ailleurs. Ce texte devrait leur permettre de placer plus facilement des prestations d'audit auprès de leurs clients. « Au-delà du logiciel, c'est tout un ensemble de procédures qu'il faut respecter pour se mettre en conformité avec la loi », rappelle Pierre Proton, Dg du revendeur Octa. Des prestations évidemment payantes et rémunératrices en termes de marge mais qui obligeront souvent les revendeurs à s'intéresser à des domaines inédits, comme la problématique de l'archivage. Des domaines sur lesquels, les éditeurs, devront s'attacher à les aider à monter en compétence. En tout état de cause, l'impact de la directive 13L106 n°12 sur les résultats des éditeurs et de leurs revendeurs ce ne sera pas mesurable avant plusieurs mois.

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