Où en sommes-nous dans la 5G Pro ?

« Ce que l'IP/MPLS a apporté au filaire, la 5G l'apporte sur les réseaux mobiles », explique Edouard Castellant, directeur de l'activité entreprise chez Nokia France

« Ce que l'IP/MPLS a apporté au filaire, la 5G l'apporte sur les réseaux mobiles », explique Edouard Castellant, directeur de l'activité entreprise chez Nokia France

En 2023, l'usage du talkie-walkie et plus largement des réseaux privés traditionnels de type WiFi industriel, TETRA, TETRAPOL, UHF, DMR... est toujours d'actualité et largement répandu dans les aéroports, les sites industriels, la défense, etc. Toutefois, ces systèmes sont vieillissants et l'envie de migrer vers des technologies plus récentes se fait ressentir dans les entreprises concernées. En effet, la digitalisation des processus augmente de façon significative les besoins en bande passante et plus largement de connectivité. Pour y faire face, les technologies LTE et 5G représentent une alternative permettant d'opérer des réseaux privés professionnels. Pour la technologie 4G/LTE, c'est dé la réalité. Et ça l'est aussi pour la 5G comme le rapporte Patrick Lagrange, chef de l'unité Fréquences et Technologies à l'Arcep: « Cette bande des 2,6 GHZ est aussi exploitée avec des capacités 5G après une mise à jour des équipements. Nous comptabilisons une trentaine de réseaux privés en 4G/5G en France dans cette bande de fréquence. » Citons notamment Arcelor sur son site de Dunkerque (en 4G toutefois lors de la visite de notre journalisteou encore Hub One. Filiale des Aéroports de Paris, cette dernière opère un réseau privé sur les aéroports parisiens (Roissy CDG, Orly et le Bourget). D'ailleurs, son client, le transporteur DHL Express, a choisi ce réseau mobile privé 4G/5G de Hub One installé au coeur de la zone cargo de Paris-Charles de Gaulle, le transporteur bénéficiant notamment de services voix Push To Talk, d'appels de groupes, de voix sur LTE, de la data haut débit en interne et à l'extérieur. Dernier exemple et non des moindres, celui de l'usine d'ASN (Alcatel Submarine Networks) située à Calais qui a fait appel à Free Pro et à Nokia (dont ASN est une filiale) pour cer un réseau privé en 5G sur 50 000 m² (couvrant 11 bâtiments). « Pour ce cas d'usage, deux bandes sont exploitées, 2,6 GHz en outdoor et 3,5 GHz en indoor. Plusieurs applications 5G sont d'ores et jà opérationnelles sur le site comme la digitalisation des procédures de fabrication, la mesure de remplissage en temps el des 130 cuves de stockage des câbles à fibre optique ou encore l'assistance à la maintenance à distance. Depuis que ce réseau privé 5G est activé, ce sont même 5 à 6 nouveaux cas d'usages qui sont découverts par semaine », constate d'ailleurs Edouard Castellant, directeur de l'activité entreprise pour Nokia France. 

Plus d'enthousiasme sur la bande des 3,8/4,2 GHz que sur la 26 GHz  

En parallèle à cette bande des 2,6 GHz, plusieurs expérimentations sont bien r menées sur d'autres spectres de fréquence dont les 3,8/4,2 GHz et les 26 GHz. Sur la bande 3,8/4,2 GHz, l'Arcep, par la voix de Pierre Lagrange, confirme avoir prolongé son guichet jusqu'au 31 décembre 2023. « C'est un spectre qui séduit mais qui n'est pas encore harmonisé au niveau européen, les travaux pourraient néanmoins se terminer à l'horizon 2024-2025. » De son côté, Gilles Brégant, directeur général de l'ANFR (Agence nationale des fréquences) confirme qu'il n'y a effectivement aucune raison pour que cette bande de fréquence ne décolle pas. D'ailleurs, une trentaine de projets de connectivité sont en cours sur cette bande dont celui d'Airbus qui teste la 5G dans le but d'assurer une continuité de service pour sa production en milieu industriel dit complexe, notamment dans des hangars dotés de grandes traverses métalliques denses.  

Quant à la bande millimétrique des 26 GHz, qui est harmonisée au niveau européen mais pas au niveau mondial, elle ne rencontre pas forcément un énorme enthousiasme par les acteurs comme le confirme Pierre Lagrange : « Sur cette bande des 26 GHz, nous sommes toujours en phase de réflexion. Même si des expérimentations - une quinzaine au total - sont en cours, l'écosystème n'est pas forcément disponible... ». Pour Gilles Brégant, cette bande est réellement efficace en termes de performances dans des environnements dépourvus d'obstacles artificiels et naturels. Dans le cas contraire, il faut multiplier les équipements (antennes, émetteurs, cellules). Edouard Castellant, directeur de l'activité entreprise pour Nokia France dont le groupe, en partenariat avec Orange, a mené un projet indoor dans la gare de Rennes, tempère : « Nous avons été surpris par les performances qui sont très bonnes en espace dégagé mais aussi avec des obstacles. Nous avions notamment des craintes par rapport aux effets d'atténuation liés aux objets environnants et au corps humain. La bande des 26 GHz peut s'avérer pertinente pour certains cas d'usage nécessitant du très haut débit et notamment en l'associant avec d'autres bandes de fréquences, nos équipements le permettent déjà. » 

Mode standalone: une vraie 5G grand public à usage professionnel  

Enfin, la 5G dite grand public à usage professionnel repose sur le mode standalone (SA) qui utilise le spectre des 3,5 GHz, la bande coeur de la 5G (dont les licences sont dé attribuées) et qui s'affranchit enfin du coeur de réseau 4G contrairement à la 5G NSA. Cette 5G autorise aussi le Slicing lequel permet, rappelons-le, à un réseau d'être haché en morceaux virtuels personnalisés pour prendre en charge des cas d'usage spécifiques ou des utilisateurs différents. L'idée de cette 5G SA en mode pro est de faire coexister sur un même réseau des applications grand public et professionnelles. Là aussi, les tests autour de la 5G SA se multiplient, les grands opérateurs s'adossant à des équipementiers comme Bouygues Telecom avec Ericsson ou encore SFR, Free et Orange avec Nokia (Ericsson aussi pour Orange dans certains pays européens). Lors du dernier MWC à Barcelone, Orange a dévoilé les résultats de Pikeo, son réseau privé expérimental en mode 5G SA multicloud et natif cloud de bout en bout. Ce réseau qui repose sur une logique de conteneurisation peut être déployé de deux façons, soit sur une infrastructure Telco Cloud d'Orange sur site, gérée par Orange, en tirant parti de la distribution Kubernetes open source SUSE/Ranche, soit sur le cloud AWS ou via une architecture hybride d'AWS (coeur de réseau pouvant être intégralement déployé dans une région du cloud AWS, étendu à un AWS Outposts disposé à proximité de l'entreprise cliente sur les sites d'Orange). Ce test réalisé par Orange a mis en évidence qu'un réseau 5G de ce type peut être déployé automatiquement en moins d'une heure, mais aussi de montrer la maturité croissante des technologies Open RAN (voir partie Open RAN). 

D'une manière générale, l'engouement autour de la 5G est réel. Pour Edouard Castellant, la 5G apporte une vraie plateforme multiservices : « Ce que l'IP/MPLS a apporté au filaire en tant que plateforme multi-services, la 5G l'apporte sur les réseaux mobiles. » Et Pierre Lagrangede rebondir : « Il y a de nombreuses initiatives autour de la 5G professionnelle, la France n'est pas en retard par rapport aux autres pays européens, un besoin d'acculturation est toujours nécessaire. Au sein de l'Arcep, nous essayons de faire au mieux pour y répondre. » Gilles Brégant partage cet avis tout en pointant malgré tout en France un manque de leaders dans l'industrie et de constructeurs actifs comparés à d'autres pays dans le monde. Pour illustrer ses propos, faisons référence à la Corée du Sud, un pays qui possède plus de ressources notamment Samsung qui est à la fois un fabricant mondial majeur de smartphones mais aussi un équipementier 5G... 

Déjà un intérêt pour la 6G

« Nous nous intéressons bien r à la 6G notamment sur la recherche de fréquences mais c'est encore assez artificiel. Ce qui est important à suivre, ce sont les releases du 3GPP, pour l'heure, ces dernières sont liées à la 5G (v18 à l'heure actuelle et bientôt v19) », affirme Gilles Brégant, directeur général de l'ANFR. En effet, la phase 1 de normalisation de la 6G devrait normalement être abordée dans la release 20 de la 3GPP à partir de 2026. Du côté des équipementiers, Huawei, Nokia ou encore Ericsson mènent des expérimentations en laboratoire. Avant la 6G, Huawei parle dé de la 5,5G ou 5G Advanced qui fait figure de transition entre la 5G et la 6G. Pour Huawei qui a présenté les opportunités autour de la 5,5G lors du dernier MWC (Mobile World Congress) à Barcelone, la 5,5G prendra en charge des technologies clés telles que le réaménagement du spectre et le multiplexage multimode des équipements. En termes de performances, les réseaux 5,5G seraient 10 fois plus rapides que les réseaux 5G et prendront en charge des centaines de milliards de connexions. Du côté de chezNokia, les chercheurs des Nokia Bell Labs travaillent également sur la 6G comme le mentionne Edouard Castellant. « Avec la 6G, l'objectif est bien d'aller plus loin dans l'automatisation des réseaux, dans l'intégration de l'IA, dans l'autonomie et l'orchestration de l'ensemble des services et de tous les paramétrages associés, elle autorisera aussi une meilleure évolution des canaux de transmission. La 6G pourrait ouvrir à de nouveaux spectres de fréquences comme la bande des 7-15 GHz. Les premiers prototypes sont prévus à l'horizon 2027-2028 et les premiers services commerciaux en 2030.»   

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