On ne recrute pas un commercial comme un autre salarié. Selon nos interlocuteurs, il faut être plus vigilant, faire des concessions et se donner le temps et les moyens de l'accompagner. Quelques conseils pratiques pour mieux appréhender cette étape.
Alors que les grandes sociétés IT font appel à des chasseurs de tête ou pratiquent la cooptation, les autres se servent essentiellement d'Internet. Elles traquent les candidats potentiels sur les réseaux sociaux, comme Viadeo et LinkedIn, ou les sites d'emploi qui référencent des CV en ligne. « Nous sommes véritablement dans la démarche de "chasser" les bons commerciaux », explique Philippe Laurent, directeur commercial chez l'intégrateur télécom ITC-Ariane. Pour Olivier Bouderand, p-dg de l'éditeur de logiciels LSE, la stratégie consiste à « taper tous azimuts, du côté des écoles, de l'APEC ou des moteurs de recherche sur le web ». « La meilleure solution pour recruter est de faire appel à des chasseurs de tête, mais cela coûte cher », regrette t-il.
Pour mettre toutes les chances de son côté et se donner plus de visibilité, la SSII Gfi Informatique a par exemple mis en place un partenariat de trois ans avec Pôle Emploi. « Notre objectif est de recruter près d'une quarantaine de commerciaux par an. Aussi, même si la cooptation ou les réseaux sociaux sont efficaces, nous cherchons à élargir le plus possible nos modes de recrutement », précise Isabelle Néri, la responsable recrutement du groupe, qui a déjà embauché une trentaine de commerciaux en 2012.
Quelle que soit l'entreprise, toutes affirment qu'elles sont davantage ouvertes à des profils différents. « Les directions générales le sont, car elles sont conscientes des problèmes de recrutement, précise Steve Compère, directeur commercial du cabinet de recrutement Uptoo. Mais les managers, eux, sont plus rassurés par des candidats ayant déjà une formation ou une expérience de commercial IT, certainement à cause de la pression des résultats qui pèse sur eux et de l'idée d'un retour sur investissement plus immédiat ».
Gare aux CV et aux entretiens trompeurs !
Lors d'un recrutement, la première difficulté est, selon Steve Compère, de savoir décortiquer les CV. « Une très grande majorité sont mal faits, mal construits ou trop longs, alors qu'il est primordial pour un employeur de cerner immédiatement le potentiel vente des candidats », constate t-il. Son cabinet préconise donc un mode de sélection différent : d'abord un test sur les fondamentaux du commerce, puis un questionnaire pour identifier les compétences et les réalisations du candidat, ceci avant l'entretien final. Et justement, cette rencontre avec les aspirants commerciaux IT semble poser davantage de problème aux recruteurs comparé à d'autres profils. « Ce sont des personnes habituées à se vendre, il faut donc être plus vigilants car ces recrutements sont particulièrement stratégiques », prévient Isabelle Néri. La période d'essai qui suivra sera donc décisive.
Culture d'entreprise et plan de carrière font la différence
Seconde difficulté : savoir garder ses commerciaux. Pour Philippe Laurent, « le tout est de leur proposer un modèle de rémunération équitable, de valoriser le côté humain de l'équipe et de leur donner des perspectives d'évolution ». En matière de salaire, la moyenne semble tourner autour de 55 000 euros annuels, avec 30 000 euros pour un junior et 80 000 euros pour un senior qui a plus de quinze ans d'expérience. Au fil du temps, la part du fixe a sensiblement augmenté. Aujourd'hui, la répartition fixe/variable est souvent à 60/40, et certains demandent même du 70/30 pour sécuriser au maximum leur salaire. Crise oblige. « Le plus important est d'avoir de bons produits et une bonne culture d'entreprise », estime pour sa part Olivier Bouderand.
Dans l'ensemble, les revendeurs IT semblent avoir compris qu'il faut faire des efforts. « Ils sont plus attractifs qu'avant sur les salaires ou les conditions de travail et sont davantage prêts à parier sur un candidat », constate Walter Lenarduzzi, directeur des opérations PME chez Sage. Evidemment, d'une PME à une grande entreprise, le plan de carrière proposé ne sera pas comparable. Si, dans la première, un candidat pourra juste espérer étoffer son portefeuille de clients et prendre, un jour, la place du chef d'équipe. Dans une plus grande structure, il pourra envisager un poste de manager, une évolution vers des offres différentes ou encore une mobilité géographique.
Le syndrome de la bougeotte : quelques explications
Reste que le turn-over dans ce métier atteint environ 25 % des commerciaux la première année (source : cabinet Uptoo). A titre d'exemple, ceux qui ont cinq ans d'expérience passent en moyenne à peine plus d'un an et demi au même poste. Les raisons ? La pénurie de candidats sur ce marché les rend en effet plus volatiles. Ils sont d'ailleurs 89 % à être confiants sur le fait de retrouver un poste rapidement. Beaucoup se trouvent également confrontés, une fois en poste, à un manque de compétences, et donc de résultats, ou à un problème d'encadrement. Selon Steve Compère, « il faut notamment que les entreprises adoptent un management différent et qu'elles prennent davantage en compte la nouvelle génération Y ». Certains diront que ces "sauts de puce" d'une entreprise à l'autre sont en fait une stratégie pour faire grimper leur salaire. Mais, pour Olivier Bouderand, « il ne faut pas jeter la pierre aux commerciaux ». « Ils sont surtout victimes des promesses que certains leur font sur des produits, qui s'avèrent mauvais, ou des objectifs qu'ils n'atteignent jamais », dénonce t-il.
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