Datacenters : Nvidia écrase le marché

Nvidia se distingue d'autres géants des puces dans le sens où la société est aussi en concurrence avec ses propres partenaires OEM. (crédit : Nvidia)

Nvidia se distingue d'autres géants des puces dans le sens où la société est aussi en concurrence avec ses propres partenaires OEM. (crédit : Nvidia)

Le segment des datacenters constitue la plus grande activité de Nvidia, tiré par les supercalculateurs et les systèmes de calcul haute perfromance et l'IA. Mais AMD et Intel renforcent la concurrence sur le convoité marché des GPU.

Nvidia joue serré. Lorsque Jensen Huang, président et CEO de Nvidia, et ses deux partenaires ont créé Nvidia en 1993, le marché des puces graphiques avait beaucoup plus de concurrents que celui des CPU, qui n'en avait que deux. Les compétiteurs sur le marché des cartes graphiques pour jeux vidéo comprenaient ATI Technologies, Matrox, S3, Chips & Technology et 3DFX. Une décennie plus tard, Nvidia avait détruit chacun d'entre eux, à l'exception d'ATI, racheté par AMD en 2006. Pendant la majeure partie de ce siècle, Nvidia a changé d'orientation pour apporter la même technologie qu'elle utilise pour permettre aux jeux vidéo de s'afficher dans une résolution 4K pour alimenter les supercalculateurs, le calcul haute performance, et l'intelligence artificielle.

Les résultats de ce changement sont clairement exposés dans les rapports financiers de Nvidia et dans l'industrie. Pour son dernier trimestre, les revenus des datacenters ont atteint 3,81 Md$, en hausse de 61 % par rapport à l'année précédente, et représentaient 56 % des revenus totaux de Nvidia. Dans la dernière liste Top500 des supercalculateurs, 153 exécutent des accélérateurs Nvidia alors qu'AMD n'en a que neuf. Selon IDC, Nvidia détenait 91,4 % du marché des GPU d'entreprise contre 8,5 % pour AMD en 2021. Comment en est-il arrivé là ? Au début des années 2000, Nvidia s'est rendu compte que la nature du GPU, un coprocesseur mathématique à virgule flottante avec des milliers de coeurs fonctionnant en parallèle, se prête très bien au calcul HPC et IA. Comme les graphiques 3D, le HPC et l'IA dépendent fortement des mathématiques à virgule flottante.

Un changement d'entreprise qui prend racine en 2007

Les premiers pas vers un changement d'entreprise ont eu lieu en 2007, lorsqu'un ancien professeur d'informatique de l'Université de Stanford, Ian Buck, développe CUDA, un langage de type C++ pour la programmation des GPU. Les développeurs de jeux vidéo n'ont pas codé sur le GPU ; ils ont programmé la bibliothèque graphique DirectX de Microsoft, qui à son tour parlait au GPU. CUDA offrait la possibilité de coder directement sur le GPU, tout comme un programmeur travaillant en C/C++ le ferait sur un CPU. Quinze ans plus tard, CUDA est enseigné dans plusieurs centaines d'universités à travers le monde et Ian Buck est à la tête des travaux d'IA de Nvidia. CUDA a permis aux développeurs de créer des applications spécifiques au GPU - ce qui n'était pas faisable auparavant - mais il les a également verrouillées dans la plateforme Nvidia, car CUDA n'est pas facilement portable. Peu d'entreprises se positionnent aussi bien sur les segments du grand public que de l'entreprise et des sociétés comme Hewlett-Packard ont été amenées à se scinder en deux pour mieux adresser ces marchés.

« Le groupe se concentre aujourd'hui sur les entreprises mais nous nous sommes bien sûr également orientés sur le marché des jeux. Cela ne va pas changer », déclare à ce sujet Manuvir Das, vice-président de l'informatique d'entreprise chez Nvidia. Les activités jeux et entreprise de Nvidia utilisent toutes deux la même architecture GPU, mais la société considère ces deux activités comme des entités distinctes. « Donc, dans ce sens, nous sommes en quelque sorte une double entreprise en une seule. Il s'agit d'une architecture unique qui dispose de voies d'accès à deux marchés, d'ensembles de clients et de cas d'utilisation très différents », déclare-t-il. Nvidia dispose d'une gamme de GPU dotées d'une variété de fonctionnalités conçues pour différents marché. Par exemple les GPU d'entreprise ont un moteur de traitement du langage naturel et d'autres fonctions que l'on ne retrouve pas dans ceux pour jeux vidéo.

La concurrence des partenaires en question

Selon Addison Snell, CEO et analyste principal d'Intersect360 Research, Nvidia chevauche bien les deux marchés pour l'instant. Cependant, « la croissance de l'informatique GPU les emmène vraiment de plein fouet dans l'informatique d'entreprise et l'IA. Et je pense qu'ils desservent maintenant principalement le marché hyperscale qui capte la majorité des dépenses en IA », explique-t-il. Son confrère analyste principal chez Moor Insights & Strategy Anshel Sag lui fait écho : « J'ai l'impression que beaucoup d'efforts de l'entreprise sont très concentrés sur l'entreprise aujourd'hui, mais je pense toujours qu'il y a beaucoup de jeux qui font toujours partie de son image de marque globale », dit-il. Anshel Sag pense que la plus grande marge d'amélioration de Nvidia réside dans les technologies mobiles, où il joue le second rôle derrière Qualcomm. « Je pense qu'ils sont très faibles dans l'espace mobile, et que l'espace mobile ne se limite pas seulement aux smartphones, mais aux jeux portables et aux applications AR/VR. Cela les met sur un fil et ils auront de la concurrence sur le chemin », poursuit Anshel Sag. Selon Addison Snell, Nvidia continue de minimiser le HPC en faveur de l'IA et se concentre sur les entreprises à très grande échelle, comptant sur le cloud pour fournir toutes les formes d'IT d'entreprise. « Cela montre que Nvidia vise à être un fournisseur de solutions complètes pour l'hyperscale et le cloud, tout en diminuant ses efforts en tant que fournisseur de composants via les OEM de serveurs traditionnels pour les utilisateurs finaux », croit savoir Addison Snell.

Nvidia fonctionne différemment des autres géants des puces dans le sens où elle est en concurrence avec ses partenaires OEM. Cela a provoqué au moins une explosion publique. En septembre, le fabricant de périphériques EVGA a annoncé qu'il ne fabriquerait plus de cartes Nvidia. EVGA était l'un des principaux fournisseurs du marché et les cartes graphiques représentaient 80 % de ses revenus. Ils ont donc dû être assez en colère contre Nvidia pour renoncer à 80 % de ses revenus. Le CEO d'EVGA, Andy Han, a émis plusieurs griefs envers Nvidia, dont celui d'être en concurrence avec lui. Nvidia fabrique des cartes graphiques et les vend aux consommateurs sous la marque Founder's Edition, ce qu'AMD et Intel font très peu ou pas du tout. De plus, la gamme de cartes graphiques de Nvidia était vendue moins chère que celle sous licence. Ainsi, non seulement Nvidia était en concurrence avec ses propres licences, mais lui coupait aussi l'herbe sous le pied. Nvidia fait de même côté entreprise, en vendant des unités de serveur DGX (serveurs montés en rack équipés de huit GPU A100) en concurrence avec des partenaires OEM tels que HPE et Supermicro. Manuvir Das défend cette pratique : « Pour nous, DGX a toujours été en quelque sorte le véhicule d'innovation de l'IA où nous effectuons de nombreux tests d'éléments » explique-t-il, ajoutant que la construction des serveurs DGX donne à Nvidia la possibilité d'éliminer les bogues du système, sachant que cela passe sur les OEM. « Notre travail avec DGX donne aux équipementiers une grande longueur d'avance dans la préparation et la diffusion de leurs systèmes.

C'est donc finalement un catalyseur pour eux ». Mais Addison Snell et Anshel Sag pensent que Nvidia ne devrait pas être en concurrence avec ses partenaires. « Je suis très sceptique quant à cette stratégie », prévient Addison Snell. « Cela remet en cause le principe de ne pas rivaliser avec vos propres clients. Si j'étais l'un des principaux équipementiers de serveurs, je n'aimerais pas l'idée que Nvidia agisse maintenant en tant que fournisseur de système et me sorte de la boucle ». Et Anshel Sag de poursuivre : « Je pense que ces systèmes [DGX] sont, dans une certaine mesure, en concurrence avec ce que proposent leurs partenaires. Mais cela dit, je pense aussi que Nvidia ne veut pas nécessairement fournir un support et des services pour ces systèmes, comme le feront leurs partenaires. Et je pense que c'est un élément important des solutions d'entreprise qui n'est pas vraiment présent du côté des consommateurs ».

AMD et Intel renforcent leurs technologies GPU

Alors, qui pourrait faire tomber Nvidia de son piédestal ? Tout au long de l'histoire de la Silicon Valley, la plupart des entreprises qui ont connu une grande chute n'ont pas été renversées par un concurrent, mais se sont effondrées de l'intérieur. IBM et Apple dans les années 1990, Sun Microsystems, SGI, Novell et maintenant Facebook ont tous été défaits ou presque à cause d'une mauvaise gestion et de mauvaises décisions, pas parce que quelqu'un d'autre est venu et les a renversés. Nvidia a eu des ratés de produits en cours de route, mais il a toujours rapidement corrigé le cap avec la prochaine génération de silicium. Et il a eu à peu près la même équipe de direction depuis le début, et ils n'ont pas fait beaucoup d'erreurs. Une chose qui a aidé Nvidia à atteindre une telle domination est qu'elle avait le marché à elle toute seule. AMD a lutté pour survivre pendant des années, et Intel a essayé à plusieurs reprises et a échoué à développer un GPU. Mais ce n'est plus le cas. AMD est complètement revitalisé, et il a le droit de se vanter maintenant que sa technologie GPU, Instinct, alimente le supercalculateur le plus rapide au monde, Frontier. Et Intel semble enfin être sur la bonne voie avec son architecture GPU Xe, que l'on retrouvera dans le futur GPU d'entreprise Ponte Vecchio. « Je pense que la vraie concurrence que nous voyons est essentiellement sur la manière de supporter les charges de travail qui existent déjà et qui s'exécutent de manière non accélérée », conclut, un brin provocateur, Manuvir Das.

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