Arrivé à la tête d'Intel en tant que CEO le 18 mars 2025, Lip-Bu Tan doit affronter une situation de plus en plus compliquée pour le fondeur. (crédit : Intel)
Au premier trimestre 2025 Intel a enregistré une perte de 800 millions de dollars tandis que le groupe subit de plein fouet les conséquences des hausses de droits de douane qui impactent son business. Alors qu'un vaste plan de licenciements se prépare, le CEO réorganise le top management.
Juste après IBM, c'est au tour d'Intel d'annoncer ses résultats pour son premier trimestre 2025. Et le moins que l'on puisse dire c'est qu'ils ne sont pas bons. Sur les trois premiers mois de l'année, le chiffre d'affaires a reculé en passant 12,72 Md$ à 12,67 Md$ et de nombreux indicateurs sont au rouge : le résultat net a plongé à -800 M$ soit un doublement des pertes par rapport à la même période en 2024 et la marge brute a aussi glissé sur un an de 41 % à 36,9 %. La marge opérationnelle est toujours négative (-2,4 %) bien qu'elle s'améliore quand même par rapport à l'année dernière (8,4 %). La perte nette par action est de 0,32$. « Le premier trimestre a été un pas dans la bonne direction, mais il n'y a pas de solution miracle alors que nous nous efforçons de reprendre le chemin de la conquête de parts de marché et de la croissance durable », a déclaré Lip-Bu Tan, CEO d'Intel. « Je prends des mesures rapides pour améliorer l'exécution et l'efficacité opérationnelle tout en donnant à nos ingénieurs les moyens de créer des produits de qualité. Nous revenons à l'essentiel en écoutant nos clients et en apportant les changements nécessaires pour construire le nouvel Intel. » L'activité Client Computing Group est en berne (-8 %) à 7,6 Md$ mais ce n'est pas le cas de Data Center and AI Group qui a progressé de 8 % à 4,1 Md$. Au global, la division Produits du groupe a reculé de 3 % à 11,8 Md$ alors que Foundry a enregistré une croissance de 7 % à 4,7 Md$.
A l'heure où plane une réduction massive d'effectifs, l'avenir du groupe est par ailleurs entravé par les variations de la politique économique de l'administration Trump comme l'a indiqué jeudi le directeur financier d'Intel, David Zinsner à des analystes : « Les politiques commerciales très fluctuantes aux États-Unis et ailleurs, ainsi que les risques réglementaires, ont augmenté le risque de ralentissement économique et la probabilité d'une récession s'accroît ». Il ajoute, « il est donc plus difficile de prévoir nos résultats pour le trimestre et pour l'année, même si les facteurs fondamentaux de la croissance que j'ai évoqués précédemment restent intacts. »
Les anciennes puces préférées aux dernières
Dans ce contexte comment les clients d'Intel résistent-ils aux incertitudes sur les tarifs douaniers et à une éventuelle récession ? En achetant ses anciennes puces, et non ses dernières. Dans sa prise de parole, M. Zinsner a expliqué que la société a écoulé plus de puces Raptor Lake que Lunar Lake, ce qui suggère que les clients ont préféré les premières, plus performantes, lancées en 2023 par rapport à la génération suivante lancée en septembre dernier. Michelle Johnston Holthaus, qui a repris ses fonctions à la tête d'Intel Products après avoir été co-directrice générale de la société pendant la période qui a suivi le départ de l'ancien CEO Pat Gelsinger, abonde dans le sens du CFO en indiquant que les clients préféraient les produits N-1 [d'année antérieure, ndlr]. « Ce que nous constatons réellement, c'est une demande beaucoup plus forte de la part de nos clients pour des produits N-1 et N-2 afin qu'ils puissent continuer à proposer des systèmes à des prix que les consommateurs exigent vraiment », a déclaré Mme Holthaus.
« Comme nous l'avons tous dit, les préoccupations macroéconomiques et les tarifs douaniers amènent tout le monde à se prémunir contre les risques liés à la gestion des stocks. Raptor Lake en fait partie. Meteor Lake et Lunar Lake sont également des excellents produits, mais ils s'accompagnent d'une structure de coûts beaucoup plus élevée, non seulement pour nous, mais aussi au niveau des prix des systèmes pour nos OEM. Ainsi, du point de vue des OEM, ils ont également, vous le savez, suivi ces courbes de coûts du point de vue du Raptor Lake, ce qui leur permet d'offrir ce produit à un meilleur prix. Je pense donc qu'il s'agit simplement de macroéconomie, de l'économie en général et de la façon dont ils se protègent. »
Intel mise gros sur Panther Lake
Entre-temps, Intel prépare le lancement de Panther Lake bénéficiant d'un processus de fabrication 18A pour la fin de l'année. Lip-Bu Tan, lors de sa première conférence téléphonique sur les résultats en tant que CEO d'Intel, a déclaré que Panther Lake serait disponible avant la fin de l'année, mais M. Zinsner a indiqué que le gros des livraisons aurait lieu en 2026. Les clients achèteront-ils Panther Lake s'ils ont ignoré les deux générations de puces précédentes, a demandé Stacy Rasgon, analyste chez Bernstein.
« Le lancement de Panther Lake correspond exactement à ce que nous avons fait pour Meteor Lake et Lunar Lake en ce qui concerne le calendrier », a répondu Mme Holthaus, réfutant ainsi l'idée que le lancement serait retardé. « Cela correspond donc parfaitement à la manière dont les clients souhaitent mettre leurs produits sur le marché. Panther Lake est un excellent produit, tant du point de vue des performances que du prix pour les clients. Je pense donc que nous assisterons à une forte adoption de ce produit. Nous constatons toujours une très forte demande commerciale pour les PC IA, car [les clients] déploient leurs flottes, effectuent leurs mises à niveau, veulent protéger leurs PC pour l'avenir et disposer de cette capacité d'IA. Si vous regardez nos rampes traditionnelles pour ces types de produits, nous avons tendance à aller plus vite dans le secteur entreprise d'abord, puis les consommateurs viennent ensuite. Il faudra donc voir où en est l'économie à la fin de l'année, mais je suis très optimiste en ce qui concerne le produit Panther Lake et les réactions de nos clients. »
Lip-Bu Tan réorganise sa garde rapprochée
Dans une note publique, le patron d'Intel a par ailleurs déclaré que le groupe allait « supprimer la complexité organisationnelle » en éliminant des couches de management et en demandant aux employés de travailler au bureau quatre jours par semaine ou plus. Nommé au poste de CEO d'Intel le 18 mars 2025, Lip-Bu Tan s'active pour remettre le groupe sur les rails. Dans un autre un memo qu'à pu consulter Reuters, le CEO a annoncé qu'à partir de maintenant les responsables des principales entités du groupe à commencer par le vice-président de la division Data Center Group (David Tuhy, ndlr) et le vice-présidente de Client Computing Group (Carla Rodriguez) qui rapportaient jusqu'à présent à la directrice des produits Intel, Michelle Johnston Holthaus, le feront directement auprès de lui.« Je veux retrousser mes manches avec les équipes d'ingénieurs et de produits afin d'apprendre ce qui est nécessaire pour renforcer nos solutions », a écrit M. Tan. « Alors que Michelle et moi conduisons ce travail, nous prévoyons d'évoluer et d'étendre son rôle, avec plus de détails à venir. »
Lip-Bu Tan va aussi structurer sa garde rapprochée en promouvant, selon CRN, Sachin Katti qui occupait jusqu'alors responsable de l'activité Network and Edge Group, au poste de directeur de la technologie et de l'intelligence artificielle. Le directeur financier David Zinsner se voit confier "de nouvelles responsabilités", tandis que Pushkar Ranade est nommé chef de cabinet de Lip-Bu Tan, Jeff Dahncke directeur de la communication, et Anthony Lin, responsable d'Intel Capital. Victoria Holroyd-Fogg, vice-présidente des ressources humaines au sein de l'activité produits d'Intel, deviendrait la directrice intérimaire des ressources humaines, son prédécesseur Christy Pambianchi étant parti chez Caterpillar en tant que DRH groupe. Les membres actuels de l'équipe de direction dont les rôles et les responsabilités n'ont pas été modifiés sont Naga Chandrasekaran et Kevin O'Buckley, dirigeants d'Intel Foundry. Lip-Bu Tan a aussi expliqué que l'équipe de direction "travaillera ensemble dans les semaines et les mois à venir pour conduire la transformation culturelle nécessaire pour positionner [notre] entreprise sur la voie de la réussite future."
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