Aujourd’hui, pour Karsten Winther, président EMEA de Vertiv, l'enjeu est d'anticiper les prochaines générations de technologies GPU et les besoins énergétiques qui en découlent. (Crédit S.L.)
Lors d'un point presse à Padoue, Karsten Winther, le président EMEA de Vertiv, nous a précisé la stratégie du principal concurrent de Schneider Electric face à la demande exponentielle d'infrastructures pour datacenters générée par l'intelligence artificielle et les technologies GPU de Nvidia.
Vertiv, le spécialiste américain des infrastructures critiques pour datacenters, accélère massivement ses investissements pour accompagner le déploiement des usines IA (AI factory). Lors d'un point presse organisé le 5 novembre dernier dans son usine de Piove di Sacco, près de Padoue en Italie, Karsten Winther, président EMEA de l'entreprise, a détaillé les efforts déployés pour répondre à une demande qui croît à une vitesse sans précédent. Le groupe se positionne ainsi comme l'un des deux leaders mondiaux du marché des infrastructures physiques pour datacenters, à égalité quasi parfaite avec Schneider Electric, selon les données du cabinet d'analystes Dell'Oro Group qui les séparent d'à peine un dixième de point de part de marché au premier trimestre 2025.
Un partenariat stratégique avec Nvidia
Au coeur de cette montée en puissance se trouve le partenariat étroit noué entre Vertiv et Nvidia, le fournisseur de GPU et autres accélérateurs pour datacenters, qui équipent les infrastructures d'intelligence artificielle les plus performantes de la planète. « Je serais un peu arrogant en disant que tout ce que vous venez d'entendre n'est pas possible sans des entreprises comme Vertiv », a affirmé Karsten Winther lors de sa présentation, soulignant le rôle indispensable de son entreprise dans l'écosystème de l'IA. Les solutions de refroidissement et d'alimentation électrique développées par Vertiv sont essentielles pour faire fonctionner les puces de Nvidia, AMD et Intel, dont les générations successives imposent des contraintes thermiques et énergétiques croissantes. Le dirigeant a rappelé l'évolution fulgurante des besoins en puissance : les systèmes Hopper de Nvidia, lancés en 2023, nécessitaient environ 70 kilowatts par rack, tandis que la génération Blackwell actuelle approche déjà les 140 kilowatts, et que les prochaines générations pourraient multiplier ces chiffres par dix dans les 24 prochains mois. « Nous devons avoir au moins une, et idéalement deux générations d'avance sur Nvidia. C'est le temps qu'il nous faut pour nous adapter », a expliqué Karsten Winther, illustrant le défi technologique et industriel que représente cette course à la puissance.

Depuis 10 ans, Vertiv propose à ses clients de passer les fluides au dessus des armoires dans son châssis semi-modulaire SmartRun. (Crédit S.L.)
Un doublement de capacité en 18 mois
Face à cette demande, l'américain mis les bouchées doubles sur ses capacités de fabrication. « Au cours de l'année et demie écoulée, nous avons consacré des efforts considérables chez Vertiv pour, dans certains cas, doubler notre capacité », a indiqué le président EMEA. L'entreprise dispose d'un réseau mondial d'usines spécialisées dans la conception et la fabrication de solutions de refroidissement (air et liquide), d'alimentation électrique et de distribution, ainsi que de systèmes de racks adaptés aux densités élevées des équipements d'IA. En Europe, Vertiv possède des usines en Italie, en Croatie, en Irlande, en Slovénie, en république Tchèque, au Royaume-Uni, mais rien en France. Ces « usines Ferrari », comme les qualifie Karsten Winther, produisent des équipements (échangeur thermiques, systèmes de refroidissement, pods...) largement assemblés à la main en raison de la complexité et de la personnalisation requises. Schneider Electric procède de même dans son usine de Conselve, près de Padoue que nous avions visité il y a deux ans. Chez Vertiv, l'accent est mis sur la préfabrication et les approches modulaires, qui permettent de réduire drastiquement les délais de déploiement sur site. « Ce qui prenait deux ans hier peut maintenant être réalisé en six mois environ », a souligné le dirigeant, précisant que cette rapidité est devenue critique dans un contexte où les technologies évoluent plus vite que les cycles de construction traditionnels des datacenters. À titre d'illustration, Karsten Winther a évoqué sa visite d'un datacenter de 50 mégawatts à Bologne, devenu opérationnel après un processus de planification ayant démarré il y a six ans, « à une époque où peu de personnes avait entendu parler de GenAI », même s'il ne s'agit que d'une autre forme de HPC. Cette anecdote vient souligner le décalage temporel entre la conception d'infrastructures et l'émergence de nouveaux usages, un problème que Vertiv cherche précisément à résoudre grâce à ses solutions modulaires préfabriquées.

Très présent en Europe, Vertiv ne possède toutefois aucune usine en France. (Crédit S.L.)
Des solutions modulaires pour accélérer les déploiements
Face aux contraintes de temps, Vertiv mise donc sur des solutions modulaires comme One Core, qui intègrent dans des blocs préfabriqués l'ensemble des composants nécessaires au fonctionnement d'un datacenter : systèmes d'alimentation électrique, de refroidissement, de distribution et équipements de racks. Ces modules sont assemblés en usine puis transportés sur site, réduisant considérablement les travaux d'installation et permettant aux clients de capitaliser plus rapidement sur leurs investissements. Précisons que pour son premier datacenter en Italie, ROM1 près de Rome, Digital Realty a décidé de faite appel à Vertiv pour une capacité de 3 MW avec des systèmes de refroidissement et d'alimentation spécifiquement conçus pour le HPC avec du free-cooling .
L'entreprise propose également des architectures de référence pré-conçues en collaboration avec Nvidia reposant pour certains sur des designs OPC (Open Compute Project) avec un backbone spécifique dans les racks développés avec son partenaire Cheval. Il s'agit de permettre aux opérateurs de datacenters et aux fournisseurs de services cloud traditionnels et NCP de sélectionner des configurations éprouvées plutôt que de concevoir des infrastructures sur mesure, gagnant ainsi plusieurs mois sur les délais de mise en service. Parmi les innovations présentées figurent le SmartRow , qui intègre les équipements électriques en configuration aérienne ou au plafond, le Phase Flex permettant une flexibilité dans les capacités de refroidissement (air ou liquide) pour s'adapter à l'évolution des besoins, et le Power Nexus qui modularise les switchgears sur des socles pour un déploiement rapide. Nous reviendrons sur ces derniers points, notamment les châssis OPC, un peu plus tard dans un autre article.
Un marché en forte croissance
Le contexte est favorable à Vertiv : selon Dell'Oro Group, le marché des infrastructures physiques pour datacenters a connu une croissance de 17% en glissement annuel au premier trimestre 2025, marquant ainsi le quatrième trimestre consécutif de croissance à deux chiffres. Cette dynamique est principalement portée par les investissements massifs des hyperscalers et des opérateurs de colocation pour construire des capacités capables de gérer les charges de travail liées à l'intelligence artificielle. L'Amérique du Nord affiche la croissance régionale la plus forte avec une hausse de 23% en glissement annuel, tandis que la région EMEA (Europe, Moyen-Orient et Afrique) et la Chine enregistrent une croissance à deux chiffres. Le segment du refroidissement liquide a plus que doublé ses revenus au premier trimestre 2025, s'imposant comme la solution thermique privilégiée pour les déploiements d'IA à haute densité, avec un marché total du refroidissement liquide projeté à plus de 2,5 milliards de dollars pour l'année 2025 selon Dell'Oro.
« Le passage à l'informatique accélérée transforme le paysage des datacenters. L'IA est plus qu'un vent favorable, c'est une force structurelle qui stimule la demande pour de nouveaux paradigmes d'infrastructure », a commenté Alex Cordovil, directeur de recherche chez Dell'Oro Group, cité dans le rapport. Les architectures de puissance haute densité évoluent rapidement, avec des racks devant bientôt atteindre 600 kilowatts et des configurations de 1 mégawatt déjà à l'étude.







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