La supply chain de Nvidia menacée par une enquête chinoise sur Mellanox

Les récentes décisions de la Chine mettent la pression sur Nvidia qui pourrait revoir sa stratégie d'approvisionnement de GPU pour l'IA en Asie. (Crédit Nvidia)

Les récentes décisions de la Chine mettent la pression sur Nvidia qui pourrait revoir sa stratégie d'approvisionnement de GPU pour l'IA en Asie. (Crédit Nvidia)

L'administration chinoise a ouvert une enquête préliminaire sur la violation des conditions d'acquisition de Mellanox par Nvidia en 2020. Les analystes s'inquiètent de l'impact d'une telle décision sur la chaîne d'approvisionnement des GPU et sur le positionnement des DSI.

Dans la guerre commerciale que se livre la Chine et les Etats-Unis, Nvidia se retrouve souvent au centre de cet affrontement. Après une bataille sur l'exportation de puces pour les traitements IA, la société est confrontée à l'ouverture d'une enquête préliminaire sur des violations des conditions du rachat du spécialiste réseau Mellanox finalisé en 2020. Pour rappel, l'opération avait été annoncée en mars 2019 pour un montant de 6,9 Md$. Les autorités chinoises n'ont cependant pas donner de détails sur les infractions présumées, mais l'affaire peut aboutir à une amende et à une interdiction de vente sur le territoire. Nvidia a expliqué dans un communiqué « respecter la loi en tous points » en ajoutant « nous continuerons à coopérer avec l'ensemble des agences gouvernementales compétentes dans le cadre de leur évaluation des répercussions sur la concurrence dans les marchés commerciaux des contrôles à l'exportation »

Ce coup de semonce de la Chine inquiète les spécialistes du marché à la fois pour l'impact sur la chaîne d'approvisionnement, mais également pour les entreprises. En effet, Nvidia qui s'appuie sur le taïwanais TSMC et le sud-coréen Samung pour la fabrication de ses puces, considère la Chine comme l'un de ses principaux marchés, contribuant à environ 13 % de son chiffre d'affaires l'an dernier. Toute restriction prolongée des ventes dans ce pays pourrait compliquer ses opérations et avoir des répercussions sur toute la chaîne d'approvisionnement des semi-conducteurs.

Une hausse des prix à prévoir Cette situation s'inscrit dans un contexte de forte hausse de la demande mondiale pour les GPU Nvidia, stimulée par l'IA et les charges de travail cloud. L'offre mondiale limitée a déjà entraîné une hausse des coûts pour les entreprises, les DSI étant en concurrence avec les géants du cloud, les NCP et les startups pour l'acquisition de matériel. « Les entreprises ne verront peut-être pas d'impact immédiat à court terme, mais d'ici fin 2025, elles pourraient être confrontées à des coûts d'approvisionnement plus élevés, même pour les GPU ne nécessitant pas de refroidissement liquide, et à des retards de livraison, Nvidia gérant la perte potentielle d'une part à deux chiffres de son chiffre d'affaires en Chine », a déclaré Danish Faruqui, CEO de Fab Economics.

La hausse des coûts d'approvisionnement devrait rester un défi persistant pour les DSI, car le marché chinois des puces IA, estimé à 50 Md$, se détourne de Nvidia dans un contexte de tensions géopolitiques persistantes entre Pékin et Washington. Si la société fait face à une résistance réglementaire prolongée en Chine, la composition de son chiffre d'affaires mondial pourrait s'affaiblir, et l'entreprise pourrait tenter de compenser ses pertes en augmentant ses prix ailleurs. Les contrôles à l'exportation et les retards d'expédition des variantes spécifiques à la Chine révèlent également comment les frictions géopolitiques peuvent engendrer des délais de livraison plus longs, a déclaré Manish Rawat, analyste semi-conducteurs chez TechInsights. Le risque de dépendance s'accroît également. Les entreprises liées à l'écosystème CUDA de Nvidia se heurtent à des obstacles considérables pour transférer leurs charges de travail vers AMD, Intel ou d'autres accélérateurs. « Si les DSI souhaitent créer des alternatives comparables de loin aux solutions Nvidia, ils doivent investir davantage de temps et d'argent, car le processus d'ingénierie nécessaire à la construction d'un tel système est extrêmement complexe et les talents adéquats peuvent être difficiles à trouver », a déclaré Lian Jye Su, analyste en chef chez Omdia.

Une réorientation vers les hyperscalers La baisse des ventes de GPU Nvidia H20 et d'autres GPU spécifiques à la Chine pourrait mettre à rude épreuve la chaîne d'approvisionnement mondiale, selon Danish Faruqui. Cela affecterait notamment l'américain Amkor, qui conditionne la puce, le sud-coréen Samsung, qui fournit la mémoire HBM, le taïwanais TSMC, qui gère la fabrication, et Foxconn, qui intègre le matériel. « Nvidia a déjà signalé à ses partenaires l'arrêt de la production de H20, une décision qui se répercutera sur l'ensemble de la chaîne de valeur, impactant également les fournisseurs de matériaux, d'équipements et de tests », a ajouté le dirigeant. Reuters de son côté explique que la dernière puce RTX 6000D spécialement conçue pour la Chine est boudée par les entreprises, préférant les RTX5090 grand public vendus au marché noir.

Pour les entreprises mondiales, cela souligne la fragilité croissante des chaînes d'approvisionnement technologiques, désormais vulnérables aux chocs politiques soudains de Washington et de Pékin. « Cette décision montre que la Chine utilise les lois antitrust comme levier dans sa rivalité technologique, à l'instar des États-Unis qui contrôlent les exportations », a déclaré Rachita Rao, analyste senior chez Everest Group. « Même si l'approvisionnement américain reste intact, les cycles d'approvisionnement peuvent néanmoins subir des chocs soudains en termes de coûts et de conformité.» Si les restrictions se répercutent, Nvidia sera plus susceptible de promouvoir ses GPU via des partenaires cloud plutôt que vers les entreprises », selon elle. Pour les entreprises, cela pourrait faire des plateformes cloud le canal le plus fiable pour accéder aux capacités Nvidia en période de contraintes.

Les défis des DSI Les analystes mettent en garde contre la fragmentation croissante de l'écosystème matériel d'IA, les pressions géopolitiques et économiques créant des bassins de demande isolés et des chaînes d'approvisionnement déconnectées. Les DSI doivent se préparer à des scénarios où les fournisseurs américains seraient confrontés à des restrictions sur la commercialisation de produits en Chine ou seraient contraints d'ajuster leurs conditions commerciales à l'échelle mondiale sous le contrôle des autorités réglementaires.

« Parallèlement, la Chine accélère sa substitution nationale pour réduire sa dépendance vis-à-vis des fournisseurs américains, ce qui pourrait réduire son marché potentiel », a déclaré Manish Rawat. « Cette dynamique crée un double risque pour les entreprises : des ruptures d'approvisionnement à court terme et une hausse des coûts à plus long terme, les fournisseurs tentant de récupérer leurs marges ailleurs.» Les stratégies de supply chain doivent désormais prendre en compte la volatilité réglementaire, la diversification des sources d'achats et les pressions potentielles sur les prix. En conséquence, « les DSI doivent concevoir des infrastructures d'IA en veillant à la sécurité et à la résilience des achats de composants, tout en équilibrant les calendriers de la feuille de route et le TCO des composants de calcul, mémoire, connectivité, stockage, réseau et autres infrastructures », explique Danish Faruqui. Pour les entreprises, le message est clair : les tensions géopolitiques ne sont pas seulement un bruit de fond, mais des facteurs directs qui façonnent la planification des infrastructures d'IA.

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